{"id":548,"date":"2019-08-23T11:57:02","date_gmt":"2019-08-23T11:57:02","guid":{"rendered":"https:\/\/toto.denisgodefroy.fr\/?p=548"},"modified":"2019-08-26T10:04:23","modified_gmt":"2019-08-26T10:04:23","slug":"alterations-de-godefroy","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/alterations-de-godefroy","title":{"rendered":"Alt\u00e9rations de Godefroy"},"content":{"rendered":"
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LECTURE DES ALT\u00c9RATIONS DE GODEFROY, par Michel Servi\u00e8re<\/p>\n

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La Photo-graphie, premier trope de la trace chez Godefroy<\/strong><\/p>\n

Ne pas d\u00e9nier la photo, utiliser m\u00eame, comme le fait Godefroy, certains de ses pouvoirs (le gros plan, l\u2019agrandissement f\u00e9tichiste du d\u00e9tail) ne suffisait pas encore. Encore fallait-il continuer \u00e0 peindre en \u00e9crivant la photo elle-m\u00eame, faire de la photo-graphie (1). Peintre traciste, Godefroy est photographe [\u2026]<\/p>\n

Godefroy alt\u00e8re des photos, c\u2019est-\u00e0-dire qu\u2019il les d\u00e9taille, qu\u2019il brouille globalement ou partiellement leur unit\u00e9 repr\u00e9sentative.<\/p>\n

Il les \u00e9crit. Syst\u00e9matiquement, on trouve associ\u00e9es, dans ses toiles, l\u2019\u00e9criture de la photo et des \u00e9critures, plus ou moins lisibles, plus ou moins effac\u00e9es, ou bien ce sont des rep\u00e8res graphiques (des lettres majuscules, minuscules ; des fl\u00e8ches, des trac\u00e9s gestuels ou l\u2019inverse : des rep\u00e8res m\u00e9triques soign\u00e9s). Toute transition vers quelque chose qui serait hors toile ou hors photo est emp\u00each\u00e9e. C’est ici que \u00e7a se passe, que \u00e7a se pluralise, que \u00e7a subtilise sans frein, que \u00e7a produit de la diff\u00e9rence. Nous lisons des pictogrammes d\u2019oiseaux ou de femmes qui se dispersent en deuils noirs, en blancs qui \u201cassurent l\u2019importance\u201d comme disait Mallarm\u00e9. Les titres le signifient assez : Oiseaux diff\u00e9rents<\/em> pour la s\u00e9rie des oiseaux pendus, Sur les traces de Madame X<\/em> pour l\u2019autre, construite avec, comme point de d\u00e9part, quelques cartes postales \u201cr\u00e9tros\u201d.<\/p>\n

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Alt\u00e9rations<\/strong><\/p>\n

Alt\u00e9rer\u00a0: d\u2019abord le tragique de la mort, de la destruction de toute forme. Cela ne serait fun\u00e8bre que si l\u2019on oubliait la dimension arch\u00e9ologique du d\u00e9sir. Si la forme se perd, la mati\u00e8re du d\u00e9sir demeure. Quelques autres tropes de la trace (parodie, cadre, niches, cordes, bichromatisme)\u00a0:<\/p>\n

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\u2013 La parodie<\/p>\n

Y lire la forme exacerb\u00e9e de la critique, l\u2019accentuation cynique de la distanciation, le d\u00e9nuement de tout cri. Peut-\u00eatre m\u00eame la pudeur d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9e du r\u00e9volutionnaire. Parodie de la photo, de la facture impressionniste. Telle toile, bord\u00e9e de noir, joue \u00e0 fond sur l\u2019ambigu\u00eft\u00e9 permanente de la peinture et de la photo, avec ses deux \u00ab\u00a0coins\u00a0\u00bb photo en haut. Telle autre montre, d\u2019apr\u00e8s photo, le portrait vieillot de la charmante Madame X, couleur s\u00e9pia ou bistre, peint avec la touche impressionniste\u00a0: en somme une \u00ab\u00a0r\u00e9gression\u00a0\u00bb comme dirait Gasiorowski. Cette photo de Madame X, avec son ombrelle, ressemble en sa pose \u00e0 quelque silhouette de Monet (dans Coquelicots<\/em> ou Femmes au jardin<\/em>).<\/p>\n

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\u2013 Le dispositif du cadre<\/p>\n

Il sp\u00e9cifie la cat\u00e9gorie g\u00e9n\u00e9rale de la parodie, \u00e0 des fins cette fois plus directement critiques \u00e0 l\u2019\u00e9gard de la culture de l\u2019univers mus\u00e9al, de tout son d\u00e9corum religieux. Non seulement la peinture d\u2019aujourd\u2019hui ne peint plus la nature, ni m\u00eame une toile, mais la peinture peint la peinture, intransitivement (y compris ses entours sociopolitiques). Elle se met en sc\u00e8ne (tout grand art le fait) ainsi qu\u2019elle met en sc\u00e8ne sa mise en sc\u00e8ne \u00ab\u00a0ext\u00e9rieure\u00a0\u00bb.<\/p>\n

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\u2013 La niche, le reliquaire<\/p>\n

Il s\u2019agit de conserver des restes, des traces. Le reliquaire c\u2019est la place du mort, d\u2019o\u00f9 partent, irradient divers substituts ou d\u00e9tritus [\u2026] L\u2019important est surtout de signaler que ces petites niches mettent n\u00e9cessairement le \u00ab\u00a0spectateur\u00a0\u00bb dans l\u2019obligation d\u2019accommoder, d\u2019avoir une double vue au moins sur les toiles\u00a0: vue d\u2019ensemble \u00e0 distance (normale et respectable) et vue partielle, rapproch\u00e9e sur les reliques et autres d\u00e9tails (de ces m\u00eames reliques ou d\u2019autres choses encore).<\/p>\n

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\u2013 Les cordes strangulent ou ligotent les oiseaux par les pattes, par le cou.<\/p>\n

Elles ont, c\u2019est une v\u00e9rit\u00e9 d\u2019ordre perceptif, m\u00eame texture que celle des griffes des oiseaux. Les cordes laissent des traces qui ne sont pas sans rappeler celles des pattes d\u2019oiseaux ou, de fa\u00e7on moins r\u00e9aliste, celles de quelque \u00e9criture exotique \u00e0 deviner, ou d\u2019empreintes. Greffe ou griffe d\u2019\u00e9criture sur la toile\u00a0: Godefroy trempe une ficelle dans une poudre de craie et la claque sur la toile, puis il \u00e9carte le r\u00e9sultat, \u00e9ventuellement, avec un chiffon imbib\u00e9 d\u2019essence de t\u00e9r\u00e9benthine. Les instruments de torture que sont les ficelles se muent en \u00ab\u00a0jardin d\u2019\u00e9criture\u00a0\u00bb, en \u00ab\u00a0jardin des d\u00e9lices\u00a0\u00bb [\u2026]<\/p>\n

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\u2013 Le bichromatisme enfin.<\/p>\n

Du noir et du blanc. Deuil et frigo. \u00c0 transformer eux aussi afin de ne pas reconduire quelque n\u00e9vrose de deuil ou quelque puret\u00e9 immortelle contre ce qui sent, pue, pourrit, s\u00e9cr\u00e8te. Noir et blanc parce que ce ne sont pas des couleurs [\u2026] Quelques pointes de mauve-violet ou de bistre-s\u00e9pia. Godefroy a remarqu\u00e9 que le violet est fr\u00e9quemment la \u00ab\u00a0couleur\u00a0\u00bb \u2013 les catholiques le savent \u2013 qui entre en composition avec le noir et le blanc dans la mise en sc\u00e8ne de la messe.<\/p>\n

Le tracisme rend divisible. Les \u00ab\u00a0Alt\u00e9rations\u00a0\u00bb de Godefroy constituent une somme \u00e9clat\u00e9e de vestiges et de vertiges, de fragments et de testaments.<\/p>\n

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MAIS PLUS DE SOURCE, propos de Denis Godefroy<\/p>\n

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Arch\u00e9ologue, antiquaire, brocanteur<\/strong><\/p>\n

Je fouille comme un arch\u00e9ologue, mais pas pour mettre \u00e0 jour un patrimoine, des propri\u00e9t\u00e9s. Je ne suis pas un h\u00e9ritier. Madame X m\u2019int\u00e9resse parce que son identit\u00e9 est perdue \u00e0 jamais. Mes hypoth\u00e8ses n\u2019ont aucune prise sur elle. Le temps a agi sur Madame X comme \u00e9clatement de moi-m\u00eame. Le brocanteur est \u00e9clateur d\u2019objets, fabricant de facettes.<\/p>\n

L\u2019arch\u00e9ologue conserve un objet qui n\u2019a plus de fonction. Il n\u2019est m\u00eame pas revendu.<\/p>\n

Le temps que manie l\u2019arch\u00e9ologue est sacralis\u00e9. Celui du chiffonnier est d\u00e9sacralis\u00e9\u00a0: je travaille avec ce dernier.<\/p>\n

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Couleur<\/strong><\/p>\n

Aujourd\u2019hui, ce qui \u00e9clate, c\u2019est le blanc et le noir et leurs variantes non color\u00e9es\u00a0: le violet, bistre.<\/p>\n

Je pr\u00e9f\u00e8re le drap de deuil et le blanc frigo, h\u00f4pital \u00e0 la prairie verte.<\/p>\n<\/div>\n

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\u00ab\u00a0Denis Godefroy (1949-1997)\u00a0\u00bb<\/em>, France, Somogy \u00c9ditions d’Art, 2003, p.38-39.<\/p>\n

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Notes<\/strong><\/span><\/p>\n

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1 – G. Bresson joue, de la m\u00eame fa\u00e7on, sur les mots cin\u00e9ma et \u00ab cin\u00e9matographe \u00bb. Nous nous en sommes inspir\u00e9s ici.<\/p>\n<\/div>","protected":false},"excerpt":{"rendered":"","protected":false},"author":1,"featured_media":528,"comment_status":"closed","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[6],"tags":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/548"}],"collection":[{"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=548"}],"version-history":[{"count":5,"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/548\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":597,"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/548\/revisions\/597"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/media\/528"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=548"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=548"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=548"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}