{"id":558,"date":"2019-08-24T19:46:22","date_gmt":"2019-08-24T19:46:22","guid":{"rendered":"https:\/\/toto.denisgodefroy.fr\/?p=558"},"modified":"2019-08-26T10:07:58","modified_gmt":"2019-08-26T10:07:58","slug":"lhorizon-dans-une-bouffe","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/lhorizon-dans-une-bouffe","title":{"rendered":"L\u2019horizon dans une bouff\u00e9e"},"content":{"rendered":"
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\u00ab\u00a0Je peignais pour comprendre quelque chose, et je montrais que j\u2019avais compris. Maintenant je n\u2019ai plus besoin de comprendre pour en faire, de la peinture.\u00a0\u00bb Denis Godefroy.<\/p>\n<\/blockquote>\n

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J\u2019ai sous les yeux un Petit paysage blanc<\/em> de 1978, mon premier Godefroy. Les Paysages blancs<\/em> sont un tournant majeur dans son travail parce qu\u2019il d\u00e9cide \u00e0 ce moment-l\u00e0 de ne plus se soumettre \u00e0 la litt\u00e9rature. Parce que, pour signifier, photographie, dessin et peinture s\u2019y comp\u00e9n\u00e8trent vraiment. Il y aura ensuite la S\u00e9rie noire<\/em>, puis les Minoirs<\/em>, les Vagues<\/em>, etc. Godefroy le narrateur, Godefroy le collectionneur, l\u2019assembleur, est devenu le Godefroy le peintre. Certes, perdure l\u2019obsession d\u2019un recadrage perp\u00e9tuel, mais sa peinture finira par s\u2019en affranchir. Nous emportant, nous spectateurs, dans un r\u00eave maternel, \u00e0 la fois tellurique et aquatique (1). Godefroy le peintre est en m\u00eame temps, par l\u2019irr\u00e9pressible expansion de ses flux de mati\u00e8res, musicien.<\/p>\n

Ma relation \u00e0 son \u0153uvre fut assez singuli\u00e8re puisque, d\u00e8s les premi\u00e8res empreintes, les oiseaux pendus, Madame X<\/em>, elle fut marqu\u00e9e de ses mots faisant \u00e9cho \u00e0 ceux de Michel Servi\u00e8re, de Jean-Claude Th\u00e9venin, \u00e0 mes propres mots, dans le bruissement d\u2019une amiti\u00e9 assez intense. De cela je ne peux rien dire parce que l\u2019objet n\u2019\u00e9tait qu\u2019un des glacis de ce dispositif. La disparition de l\u2019artiste l\u2019aura rendue, je crois, intelligible.<\/p>\n

C\u2019est la profondeur et la beaut\u00e9 de ses tableaux qui lui font jouer, dans le panorama presque calamiteux de l\u2019art fran\u00e7ais des vingt-cinq derni\u00e8res ann\u00e9es, un r\u00f4le de plus en plus important. La difficult\u00e9 ne consiste d\u2019ailleurs pas \u00e0 assigner \u00e0 l\u2019\u0153uvre une place exacte dans un jeu somme toute \u00e9clectique (2). Non, Elle consiste \u00e0 donner sens \u00e0 un parcours \u00e0 la fois fulgurant et multiple.<\/p>\n

Car il y a des<\/em> histoires de la peinture de Denis Godefroy, et l\u2019une des plus f\u00e9condes est peut-\u00eatre celle de son \u00e9mancipation vis-\u00e0-vis du dessin et de la photographie. Elle les a parfois absorb\u00e9s, mais la connivence s\u2019est r\u00e9v\u00e9l\u00e9e souvent plus complexe, tiss\u00e9e de mutuelles ignorances voire de mutuelles d\u00e9fiances\u2026<\/p>\n

Denis Godefroy a toujours cru que le dessin pouvait fournir \u00e0 sa peinture les solutions qu\u2019il cherchait. En r\u00e9alit\u00e9, son dessin n\u2019a pas cess\u00e9 de lui poser probl\u00e8me. Au fur et \u00e0 mesure que celui-ci s\u2019organisait, s\u2019autonomisait, il devenait pour la peinture une sorte de corps \u00e9tranger, c\u2019est-\u00e0-dire un obstacle. Il y a aussi une histoire de l\u2019\u00e9mancipation de son dessin vis-\u00e0-vis du geste pur ou du d\u00e9sir de recadrer, qui elle-m\u00eame r\u00e9pond \u00e0 celle de l\u2019\u00e9mancipation de la peinture vis-\u00e0-vis du dessin. Mais jusqu\u2019aux grandes toiles expos\u00e9es en 1990 \u00e0 la galerie Fran\u00e7oise Palluel, aura donc subsist\u00e9 chez lui, un probl\u00e8me du dessin<\/em>. Ce probl\u00e8me n\u2019est que celui de son rapport au monde, et par cons\u00e9quent celui de l\u2019objet de sa peinture.<\/p>\n

A l\u2019origine un pur d\u00e9sir de peinture, l\u2019envie d\u2019\u00e9taler sur la surface de la toile une mati\u00e8re plus ou moins \u00e9paisse ou fluide, plus ou moins sombre. J\u2019ai retrouv\u00e9 les notes que j\u2019avais prises en 1987 dans l\u2019atelier pour un court-m\u00e9trage sur Fou d\u2019enfer<\/em>. Le film n\u2019a pas abouti, mais ces observations sont pr\u00e9cieuses, parce qu\u2019elles font comprendre la nature des processus mat\u00e9riels \u00e0 l\u2019\u0153uvre dans le travail de peinture\u00a0:<\/p>\n

\u00a0<\/p>\n

\u00ab\u00a01\u2013 L\u2019ordre du tableau\u00a0: donn\u00e9 par le dessin (trac\u00e9 assez simple \u00e0 la mine de plomb) et par une partition de surface en zones \u2013 des jus de t\u00e9r\u00e9benthine. <\/em><\/p>\n

Les surfaces n\u2019entretiennent que des rapports de contigu\u00eft\u00e9s (l\u2019Espace \u2013 la profondeur \u2013 est manifest\u00e9 par la transparence).<\/em><\/p>\n

Tout ceci est gestuel, c\u2019est-\u00e0-dire dessin\u00e9 par la brosse\u00a0: cet autre dessin se superpose au trac\u00e9 originaire sans l\u2019effacer compl\u00e8tement. <\/em><\/p>\n

Il constitue la v\u00e9ritable structure du tableau, ind\u00e9pendamment du dessin de r\u00e9f\u00e9rence (motif). <\/em><\/p>\n

Cette premi\u00e8re couche, c\u2019est d\u00e9j\u00e0 l\u2019autonomie du tableau.<\/em><\/p>\n

2\u2013 Ensuite les couches sont superpos\u00e9es \u2013 acryl sur t\u00e9r\u00e9benthine, huile sur acryl, huile sur huile, etc.<\/em><\/p>\n

Elles se font mutuellement \u00e9cran, \u00e0 cause de leur \u00e9paisseur\u2026<\/em><\/p>\n

Denis est ici face \u00e0 deux instances\u00a0: <\/em><\/p>\n

\u2013 le souvenir de la couche du dessous.<\/em><\/p>\n

Je peux la distinguer\u00a0: <\/em><\/p>\n