{"id":558,"date":"2019-08-24T19:46:22","date_gmt":"2019-08-24T19:46:22","guid":{"rendered":"https:\/\/toto.denisgodefroy.fr\/?p=558"},"modified":"2019-08-26T10:07:58","modified_gmt":"2019-08-26T10:07:58","slug":"lhorizon-dans-une-bouffe","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/lhorizon-dans-une-bouffe","title":{"rendered":"L\u2019horizon dans une bouff\u00e9e"},"content":{"rendered":"
\n\u00ab\u00a0Je peignais pour comprendre quelque chose, et je montrais que j\u2019avais compris. Maintenant je n\u2019ai plus besoin de comprendre pour en faire, de la peinture.\u00a0\u00bb Denis Godefroy.<\/p>\n<\/blockquote>\n
\u00a0<\/p>\n
J\u2019ai sous les yeux un Petit paysage blanc<\/em> de 1978, mon premier Godefroy. Les Paysages blancs<\/em> sont un tournant majeur dans son travail parce qu\u2019il d\u00e9cide \u00e0 ce moment-l\u00e0 de ne plus se soumettre \u00e0 la litt\u00e9rature. Parce que, pour signifier, photographie, dessin et peinture s\u2019y comp\u00e9n\u00e8trent vraiment. Il y aura ensuite la S\u00e9rie noire<\/em>, puis les Minoirs<\/em>, les Vagues<\/em>, etc. Godefroy le narrateur, Godefroy le collectionneur, l\u2019assembleur, est devenu le Godefroy le peintre. Certes, perdure l\u2019obsession d\u2019un recadrage perp\u00e9tuel, mais sa peinture finira par s\u2019en affranchir. Nous emportant, nous spectateurs, dans un r\u00eave maternel, \u00e0 la fois tellurique et aquatique (1). Godefroy le peintre est en m\u00eame temps, par l\u2019irr\u00e9pressible expansion de ses flux de mati\u00e8res, musicien.<\/p>\n
Ma relation \u00e0 son \u0153uvre fut assez singuli\u00e8re puisque, d\u00e8s les premi\u00e8res empreintes, les oiseaux pendus, Madame X<\/em>, elle fut marqu\u00e9e de ses mots faisant \u00e9cho \u00e0 ceux de Michel Servi\u00e8re, de Jean-Claude Th\u00e9venin, \u00e0 mes propres mots, dans le bruissement d\u2019une amiti\u00e9 assez intense. De cela je ne peux rien dire parce que l\u2019objet n\u2019\u00e9tait qu\u2019un des glacis de ce dispositif. La disparition de l\u2019artiste l\u2019aura rendue, je crois, intelligible.<\/p>\n
C\u2019est la profondeur et la beaut\u00e9 de ses tableaux qui lui font jouer, dans le panorama presque calamiteux de l\u2019art fran\u00e7ais des vingt-cinq derni\u00e8res ann\u00e9es, un r\u00f4le de plus en plus important. La difficult\u00e9 ne consiste d\u2019ailleurs pas \u00e0 assigner \u00e0 l\u2019\u0153uvre une place exacte dans un jeu somme toute \u00e9clectique (2). Non, Elle consiste \u00e0 donner sens \u00e0 un parcours \u00e0 la fois fulgurant et multiple.<\/p>\n
Car il y a des<\/em> histoires de la peinture de Denis Godefroy, et l\u2019une des plus f\u00e9condes est peut-\u00eatre celle de son \u00e9mancipation vis-\u00e0-vis du dessin et de la photographie. Elle les a parfois absorb\u00e9s, mais la connivence s\u2019est r\u00e9v\u00e9l\u00e9e souvent plus complexe, tiss\u00e9e de mutuelles ignorances voire de mutuelles d\u00e9fiances\u2026<\/p>\n
Denis Godefroy a toujours cru que le dessin pouvait fournir \u00e0 sa peinture les solutions qu\u2019il cherchait. En r\u00e9alit\u00e9, son dessin n\u2019a pas cess\u00e9 de lui poser probl\u00e8me. Au fur et \u00e0 mesure que celui-ci s\u2019organisait, s\u2019autonomisait, il devenait pour la peinture une sorte de corps \u00e9tranger, c\u2019est-\u00e0-dire un obstacle. Il y a aussi une histoire de l\u2019\u00e9mancipation de son dessin vis-\u00e0-vis du geste pur ou du d\u00e9sir de recadrer, qui elle-m\u00eame r\u00e9pond \u00e0 celle de l\u2019\u00e9mancipation de la peinture vis-\u00e0-vis du dessin. Mais jusqu\u2019aux grandes toiles expos\u00e9es en 1990 \u00e0 la galerie Fran\u00e7oise Palluel, aura donc subsist\u00e9 chez lui, un probl\u00e8me du dessin<\/em>. Ce probl\u00e8me n\u2019est que celui de son rapport au monde, et par cons\u00e9quent celui de l\u2019objet de sa peinture.<\/p>\n
A l\u2019origine un pur d\u00e9sir de peinture, l\u2019envie d\u2019\u00e9taler sur la surface de la toile une mati\u00e8re plus ou moins \u00e9paisse ou fluide, plus ou moins sombre. J\u2019ai retrouv\u00e9 les notes que j\u2019avais prises en 1987 dans l\u2019atelier pour un court-m\u00e9trage sur Fou d\u2019enfer<\/em>. Le film n\u2019a pas abouti, mais ces observations sont pr\u00e9cieuses, parce qu\u2019elles font comprendre la nature des processus mat\u00e9riels \u00e0 l\u2019\u0153uvre dans le travail de peinture\u00a0:<\/p>\n
\u00a0<\/p>\n
\u00ab\u00a01\u2013 L\u2019ordre du tableau\u00a0: donn\u00e9 par le dessin (trac\u00e9 assez simple \u00e0 la mine de plomb) et par une partition de surface en zones \u2013 des jus de t\u00e9r\u00e9benthine. <\/em><\/p>\n
Les surfaces n\u2019entretiennent que des rapports de contigu\u00eft\u00e9s (l\u2019Espace \u2013 la profondeur \u2013 est manifest\u00e9 par la transparence).<\/em><\/p>\n
Tout ceci est gestuel, c\u2019est-\u00e0-dire dessin\u00e9 par la brosse\u00a0: cet autre dessin se superpose au trac\u00e9 originaire sans l\u2019effacer compl\u00e8tement. <\/em><\/p>\n
Il constitue la v\u00e9ritable structure du tableau, ind\u00e9pendamment du dessin de r\u00e9f\u00e9rence (motif). <\/em><\/p>\n
Cette premi\u00e8re couche, c\u2019est d\u00e9j\u00e0 l\u2019autonomie du tableau.<\/em><\/p>\n
2\u2013 Ensuite les couches sont superpos\u00e9es \u2013 acryl sur t\u00e9r\u00e9benthine, huile sur acryl, huile sur huile, etc.<\/em><\/p>\n
Elles se font mutuellement \u00e9cran, \u00e0 cause de leur \u00e9paisseur\u2026<\/em><\/p>\n
Denis est ici face \u00e0 deux instances\u00a0: <\/em><\/p>\n
\u2013 le souvenir de la couche du dessous.<\/em><\/p>\n
Je peux la distinguer\u00a0: <\/em><\/p>\n
\n
- comme r\u00e9serve<\/em><\/li>\n
- comme \u00e9paisseur<\/em><\/li>\n
- comme fond, derri\u00e8re la transparence des glacis.<\/em><\/li>\n<\/ul>\n
\u2013 son reflet dans la peinture (les couches du dessus, cf le m\u00e9dium v\u00e9nitien).<\/em><\/p>\n
A ce moment-l\u00e0, D. peint donc\u00a0: <\/em><\/p>\n
\u2013 devant son image (il ne peut rien voir d\u2019autre) \u2013 combat avec la lumi\u00e8re pure\u2026 Le noir la fait jaillir sans la repr\u00e9senter.<\/em><\/p>\n
Travail technique\u00a0: <\/em><\/p>\n
\n
- plus ou moins de m\u00e9dium v\u00e9nitien<\/em><\/li>\n
- plus ou moins de t\u00e9r\u00e9benthine<\/em><\/li>\n
- plus ou moins de pigment<\/em><\/li>\n<\/ul>\n
Lumi\u00e8re dompt\u00e9e, c\u2019est-\u00e0-dire ench\u00e2ss\u00e9e\u00a0:<\/em><\/p>\n
\n
- l\u2019ajout final du pigment pour la limite<\/li>\n<\/ul>\n
(Elle circule dans les limites assign\u00e9es par le peintre).<\/p>\n
\n
- elle \u00e9mane de l\u2019\u00e9paisseur de la mati\u00e8re elle-m\u00eame.<\/li>\n<\/ul>\n
\u00a0<\/p>\n
\u2013 derri\u00e8re sa m\u00e9moire<\/em><\/p>\n
\u2013 \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de son \u00ab\u00a0dessein\u00a0\u00bb<\/em> (3)<\/p>\n
\u2013 au centre d\u2019un espace musical\u00a0<\/em><\/p>\n
\u2013 au milieu des coups de t\u00e9l\u00e9phone.<\/em><\/p>\n
Ce qui se noue l\u00e0, appara\u00eet capital\u00a0:<\/em><\/p>\n
\u2013 pr\u00e9sence du tableau par ses couches mat\u00e9rielles, mates<\/em><\/p>\n
\u2013 absence du tableau, tir\u00e9 vers l\u2019avant (ou l\u2019arri\u00e8re) par la lumi\u00e8re dans la p\u00e2te.<\/em><\/p>\n
Travail final\u00a0:<\/em><\/p>\n
\u2013 saupoudrer les pigments de couleur<\/em><\/p>\n
\u2013 les faire rentrer dans le tableau \u00e0 l\u2019aide de fixatif Tallens<\/em><\/p>\n
\u2013 enfin, balayer les scories (un travail de femme de m\u00e9nage qui accuse la platitude du tableau).<\/em><\/p>\n
___________________________________________________________________<\/p>\n
Composition triangulaire\u00a0:<\/em><\/p>\n
(volont\u00e9 de D. d\u2019en parler sans en parler\u2026).<\/em><\/p>\n
C\u2019est la perspective, mais red\u00e9ploy\u00e9e sur le plan<\/em><\/p>\n
1, 2 \u2013 3.<\/em><\/p>\n
___________________________________________________________________<\/em><\/p>\n
\u00a0<\/p>\n
Dessous<\/em><\/p>\n
\n
- rouge pour outremer<\/em><\/li>\n
- vert pour prusse<\/em><\/li>\n
- brun pour noir<\/em><\/li>\n<\/ul>\n
Donc\u00a0: penser une couleur, la poser, c\u2019est l\u2019avoir anticip\u00e9e\u2026\u00a0\u00bb<\/em><\/p>\n
\u00a0<\/p>\n
Voici l\u2019ajustement des pulsions du peintre \u00e0 un projet. Le trac\u00e9 primordial \u2013 le dessin \u2013 appara\u00eet comme ce qui reste du monde visible pass\u00e9 au tamis du corps au travail et qu\u2019un autre corps, celui de la peinture, rejoindra, puis recouvrira. En 1987, le tableau se construit sur un fond de paysage, mais dans une suite d\u2019op\u00e9rations mat\u00e9rielles pesantes. C\u2019est un fantasme de peinture en train de se r\u00e9aliser.<\/p>\n
\u00ab\u00a0Entre pubis et un buisson, je ne fais pas la diff\u00e9rence\u00a0\u00bb r\u00e9p\u00e9tait Godefroy. C\u2019est que ces deux-l\u00e0 sont devenus tout int\u00e9rieurs et ne constituent m\u00eame plus les limites du processus de peinture. Au contraire, ils en sont le moteur. Le regard (le souvenir), le geste (le dessin) qui les a accompagn\u00e9s sont tous deux li\u00e9s \u00e0 une sorte de corps archa\u00efque, un corps ignorant de tout ce qui n\u2019est pas leur \u00e9nergie \u2013 parce qu\u2019elle fait \u00e9cho \u00e0 sa propre \u00e9nergie (4).<\/p>\n
Pour toucher le spectateur, au fur et \u00e0 mesure que sa peinture gagne en puissance, en autonomie, Godefroy fait appel au \u00ab\u00a0paysage\u00a0\u00bb. Ma\u00eetre dans l\u2019art de la conversation, il n\u2019est pourtant pas dupe du jeu m\u00e9taphorique et prend soin d\u2019appeler ses \u0153uvres Nuit<\/em>, Vague<\/em>, Fou<\/em>, Bouclier<\/em>, etc. Et pourquoi pas Paysage<\/em>\u00a0? Parce que ce paysage repr\u00e9sentait une alternative \u00e0 ce qu\u2019il avait toujours cru devoir refuser\u00a0: \u00ab\u00a0La tentation lyrique \u00bb. (5) Devant des Paysages<\/em>, chacun aurait compris qu\u2019il y avait succomb\u00e9 depuis longtemps \u2013 nul n\u2019ignore en effet, depuis Ruysdeal, ce qu\u2019un paysage peut receler de lyrisme ; au contraire, peut-on s\u00e9rieusement \u00e9valuer le lyrisme d\u2019une nuit d\u2019encre ou celui d\u2019un bouclier ? A cette tentation, il succombera ostensiblement \u00e0 partir des Vagues <\/em>(1984).<\/p>\n
Pour ses dessins les plus aboutis (ceux qu\u2019il r\u00e9alise \u00e0 partir de 1987), Denis Godefroy s\u2019est impos\u00e9 la discipline du motif. Au c\u0153ur du paysage, prot\u00e9g\u00e9 par le pare-brise de sa voiture, il cherche du crayon des rep\u00e8res, c\u2019est-\u00e0-dire des configurations figurales et des \u00e9nergies (les textures, elles, lui seront donn\u00e9es plut\u00f4t par la photographie). L’\u0153il l\u00e2che tr\u00e8s vite sa proie, laissant \u00e0 la main le soin de prendre le relais, de balayer la surface du papier ou bien de suspendre toute action (et dans ce cas, elle laisse toute la r\u00e9serve qu\u2019il faut pour qu\u2019existent les territoires picturaux \u00e0 venir…). Observez les dessins que Godefroy a ex\u00e9cut\u00e9s derri\u00e8re son volant, par exemple dans les chemins forestiers de Normandie. Ils t\u00e9moignent par endroits de l\u2019extr\u00eame acuit\u00e9 du regard, lui-m\u00eame relay\u00e9 par une main presque m\u00e9ticuleuse. Ses parties-l\u00e0 soumettent sans effort la complexit\u00e9 du visible \u00e0 la tyrannie de la surface blanche, \u00e0 la mani\u00e8re des Huet ou des Michallon au XIXe si\u00e8cle, tout en pr\u00e9ciosit\u00e9, et m\u00eame en virtuosit\u00e9. Mais \u00e0 partir de ces condensations-l\u00e0, soit les traits du crayon s\u2019expansent en nappes noires, rigides, largement issues de l\u2019exasp\u00e9ration du geste, soit elles se suspendent et laissent le papier absorber toutes les figures possibles : ces \u00e9tendues de crayon, ces r\u00e9serves font \u00e9clore notre propre paysage int\u00e9rieur, comme celui du peintre.<\/p>\n
Cette distance que Denis Godefroy s\u2019imposait en dessinant au motif cesse d\u2019\u00eatre dans les \u0153uvres peintes de la fin : son d\u00e9sir de paysage s\u2019est dissous dans le plaisir d\u2019\u00e9taler la peinture au pr\u00e9texte de paysage. Son corps est devenu le corps du paysage.<\/p>\n
\u00ab\u00a0Quelques fois, il posait sur un panneau, au hasard, des t\u00e2ches qui ne repr\u00e9sentaient rien. Il emportait cela en for\u00eat : \u201cC\u2019est bien le diable, disait-il, si je ne trouve pas ce motif-l\u00e0 !\u201d Et en effet, il \u00e9tait rare que son informe \u00e9bauche, sa tartouillarde, ne lui serv\u00eet pas de point de d\u00e9part pour une composition faite \u00e0 la fois de chic et d\u2019apr\u00e8s nature (6).\u00a0\u00bb<\/p>\n
A la mani\u00e8re de Diaz, Godefroy a donn\u00e9 corps \u00e0 son r\u00eave de peinture. Mais au contraire de Diaz, durant de longues ann\u00e9es, il n\u2019a pas su quoi faire du \u00ab\u00a0motif\u00a0\u00bb. Le premier partait en for\u00eat simplement parce que le paysage, c\u2019\u00e9tait le but. Le second s\u2019en \u00e9loignait parce que le but, c\u2019\u00e9tait la peinture. Il n\u2019est pas \u00e9tonnant qu\u2019au c\u0153ur de cette strat\u00e9gie, le dessin, c\u2019est-\u00e0-dire la pr\u00e9sence insistante du motif, l\u2019ait g\u00ean\u00e9 (7) : il invente des mondes possibles, mais ces mondes-l\u00e0 sont tiss\u00e9s de peinture et n\u2019existent que par elle (8).<\/p>\n
Jean-Claude Th\u00e9venin nous rappelle que la peinture de Godefroy est musicale. C’est aussi mon avis. La musique qui saisissait le visiteur impromptu au seuil de l\u2019atelier me semble avoir constitu\u00e9 un sympt\u00f4me : celui d\u2019un lien profond entre la r\u00e9alit\u00e9 visible et l\u2019\u00e9nergie corporelle qu\u2019il en tirait. C’est une musique telle que Gauguin pouvait l\u2019\u00e9voquer (9). Et l\u2019\u00e9nergie que Godefroy exprime dans ses toiles ressemble \u00e0 ces musiques rock qu\u2019il \u00e9coutait dans son atelier : des musiques primitives (10), peut-\u00eatre m\u00eame d\u2019avant les hommes (11). Ce passage de monde \u00e0 monde, Denis Godefroy l\u2019a r\u00e9sum\u00e9 dans une de ces formules courtes qu\u2019il assenait avec solennit\u00e9 : \u201cRemplir le vide et vider le plein.\u201d (Rep\u00e9rages<\/em>, 1991) Sa peinture n\u2019est donc pas l\u2019effectuation d\u2019un dessein issu de la r\u00e9alit\u00e9 visible, mais flux d\u2019\u00e9nergie distill\u00e9s par elle et m\u00e9diatis\u00e9s par son corps. Paysage<\/em>, c\u2019est le nom du corps du peintre. S\u00e9rie noire<\/em> (1981), Minoirs<\/em> (1983), Nuits d\u2019\u00e9bauche<\/em> (1986), etc. sont des fen\u00eatres de peinture ouvertes sur des mondes inconnus et en m\u00eame temps, parce que Turner et Constable, jadis, nous les avait fait entrevoir, irr\u00e9pressiblement familiers. Des mondes tout int\u00e9rieurs, vrais.<\/p>\n
L\u2019\u0153uvre peint de Denis Godefroy appara\u00eet comme l\u2019embo\u00eetement sans fin de mondes paysagers, la transcription musicale de nos d\u00e9sirs d\u2019espace enfouis sous des d\u00e9luges d\u2019images. \u00c0 la profondeur aujourd\u2019hui encore r\u00e9gl\u00e9e par nos machines perspectives (appareils photographiques, cam\u00e9ras vid\u00e9o), il a substitu\u00e9 d\u2019autres profondeurs, plus complexes, plus puissantes, jaillies d\u2019un imaginaire proprement pictural, superposition de couches mise en crise par des op\u00e9rations d\u2019encadrement, ou bien, plus tard, lib\u00e9r\u00e9es de la \u00ab\u00a0tentation mim\u00e9tique\u00a0\u00bb. Au final, des flux entrelac\u00e9s qui emportent en eux, irr\u00e9pressiblement, l\u2019esprit des spectateurs (je ne sache pas qu\u2019un seul ait jamais r\u00e9sist\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9motion suscit\u00e9e par eux\u2026).<\/p>\n
L\u2019horizon, mon cher Denis, dans une bouff\u00e9e. Le poids du monde, sans le fardeau du visible.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0<\/p>\n
\u00a0<\/p>\n
\nEric Vandecasteele<\/strong><\/p>\n
\u00ab\u00a0Denis Godefroy (1949-1997)\u00a0\u00bb<\/em>, France, Somogy \u00c9ditions d’Art, 2003, p.29-32.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0<\/p>\n
\u00a0<\/p>\n
\nNotes <\/u><\/strong><\/p>\n
1 – Cf.<\/em> dans le pr\u00e9sent catalogue l\u2019article de J.-C. Th\u00e9venin. Il faudrait \u00e9voquer ici Goya et Courbet, des figures presque absentes du discours de Godefroy, mais, semble-t-il, omnipr\u00e9sentes dans sa peinture.<\/p>\n
2 – C\u2019est une op\u00e9ration qu\u2019avaient tent\u00e9e \u00e0 grande \u00e9chelle Michel Ragon pour les artistes des ann\u00e9es cinquante \u2013 soixante (Vingt-cinq ans d\u2019art vivant)<\/em>, Jean Clair et Anne Tronche pour ceux du d\u00e9but des ann\u00e9es soixante-dix (Art en France. Une nouvelle g\u00e9n\u00e9ration<\/em> et L\u2019Art actuel en France<\/em>). Avec le recul, le r\u00e9sultat est assez d\u00e9cevant.<\/p>\n
3 – Je suppose qu\u2019il s\u2019agissait d\u2019un dessin de format raisin, ex\u00e9cut\u00e9 sur le motif.<\/p>\n
4 – \u00ab\u00a0Dessiner, dit-il, c\u2019est donner une certaine m\u00e9moire \u00e0 la main\u00a0\u00bb\u00a0: le rapport physique aux choses s\u2019est simplement tout entier concentr\u00e9 dans la main.<\/p>\n
5 – Il fera de la photographie le lieu central de cette r\u00e9sistance. \u00c0 mon avis, l\u00e0 aussi sans illusion.<\/p>\n
6 – Andr\u00e9 Billy \u00e9voque ici la m\u00e9moire de Narcisse Diaz de la Pe\u00f1a, peintre de Barbizon. Cf.<\/em> A. Billy, Les Beaux Jours de Barbizon<\/em>, Etr\u00e9pilly, Les Presses du village, Christian de Bartillat, 2002, p.72.<\/p>\n
7 – Cette g\u00eane est perceptible dans quelques tableaux de Nuits d\u2019\u00e9bauche<\/em>, dans quelques Boucliers<\/em>, etc.<\/p>\n
8 – Ici commence un tout autre dessin, celui que la peinture prend \u00e0 elle seule compl\u00e8tement en charge en tant qu\u2019articulation de couches, orientations de surfaces, rythme de figures, etc.<\/p>\n
9 – Ce qu\u2019il appelle\u00a0: \u00ab\u00a0la langue de l\u2019oeil qui \u00e9coute.\u00a0\u00bb Oviri, \u00e9crits d\u2019une sauvage<\/em>, textes choisis et pr\u00e9sent\u00e9s par D. Gu\u00e9rin, Paris, Id\u00e9es \/ Gallimard, 1974, p. 178.<\/p>\n
10 – Il m\u2019est arriv\u00e9 de partager avec lui l\u2019\u00e9coute des Stones, de The Police, de Nella Anfuso<\/em> (Monteverdi)\u00a0; mais je me rappelle aussi Eddie and the hot Rods<\/em> et les Clash\u2026<\/p>\n
11 – Cf.<\/em> J-F. Millet\u00a0: \u00ab\u00a0La for\u00eat, la nuit, avec des effondrements de rochers aux proportions d\u00e9mesur\u00e9es, me fait penser \u00e0 l\u2019origine du monde, quand le chaos en mouvement broyait des g\u00e9n\u00e9rations d\u2019\u00eatres humains ou que l\u2019esprit de Dieu planait sur les eaux\u2026\u00a0\u00bb in <\/em>A. Billy, op. cit.<\/em>, p. 47<\/span><\/p>\n<\/div>","protected":false},"excerpt":{"rendered":"","protected":false},"author":1,"featured_media":369,"comment_status":"closed","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[6],"tags":[],"class_list":["post-558","post","type-post","status-publish","format-standard","has-post-thumbnail","hentry","category-textes"],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/558"}],"collection":[{"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=558"}],"version-history":[{"count":5,"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/558\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":599,"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/558\/revisions\/599"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/media\/369"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=558"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=558"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/denisgodefroy.fr\/en\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=558"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}